COLORED ONLY

CONTEXTE

Rue du Château d’eau, dans le Xe arrondissement de Paris, le visiteur qui sort du métro débarque dans le quartier des coiffeurs afro. Ils s’alignent les uns à côté des autres, les clients débordent sur les trottoirs dans une joyeuse pagaille de mèches colorées, d’ongles peints et de coupes délurées. Il règne dans les salons une ambiance particulière faite d’insouciance, de musique à pleins tubes, de cancans et ragots et, parfois, de crêpage de chignons, de vraies bagarres. Ambiance électrique. A la sortie du métro, et même parfois sur le quai même de la rame, les rabatteurs, jeunes stylés
et beaux parleurs, essaient d’attirer les clientes dans leur salon. Résonne alors cette phrase qui résume le quartier : « Tu veux coiffer là ? ».

PROJET

Fascinée par ce milieu, la photographe Hélène Jayet, d’origine malienne, a commencé à vouloir le documenter en 2009, alors qu’elle est encore étudiante. Elle traîne dans le quartier, vole des images… mais se rend très vite compte que dans ce milieu fermé où tout le monde se connaît, il est impossible pour elle de passer inaperçue. De nombreux photographes s’y sont essayé, sans succès. Elle décide alors de mettre en place un vrai processus, et de mettre en scène ses sujets en les faisant poser. Elle veut photographier les coupes les plus folles et sa première série, exposée en 2010 au Festival Circulation(s), à Paris, dans le cadre de la Carte blanche donnée à la marraine de l’événement, Laura Serani, donne à voir des portraits uniques, de profil, à l’image des enseignes de coiffeurs que l’on trouve en Afrique. Avec le côté européen en décalé…

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

Dans la deuxième partie du projet, avec les photographie présentées ici, elle pousse la logique encore plus loin et met en place un dispositif plus poussé pour retrouver le goût du studio à l’ancienne. Les langues se délient : « Les photographies, c’est important, ce sont des souvenirs » raconte cette dame originaire de Côte d’Ivoire qui se souvient que, petite, elle allait au studio en famille à Abidjan. Hélène Jayet monte un studio dans un appartement de Château d’Eau et joue à son tour les rabatteuses pour trouver ses modèles. Les gens sont souvent suspicieux, tendus : on ne prend pas leur image aussi facilement ! C’est aussi ce qui fait la beauté de la démarche et du travail photographique : oser aborder les gens dans la rue – on est presque en situation de happening – puis instaurer un climat de confiance, conclure la rencontre par la prise de vue et, enfin, offrir le portrait aux sujets. En ressort une série sur fond neutre, qui fait tout de suite penser aux photos d’identité à l’occidentale. Les poses sont hiératiques mais pas figées car dans les regards passent les émotions. Les images ne sont pas retouchées afin de conserver le côté brut et naturel des poses. Elles sont juste accompagnées d’une légende, le plus souvent avec le nom de la coupe photographiée…

Dans ce travail sur les coiffures, résonnent plusieurs références photographiques évidentes : le photographe de studio nigérian J.D ‘Okhai Ojeikere, qui a livré plusieurs séries sur les tresses et coiffures africaines. Ou encore Lorna Simpson, l’artiste afro-américaine faisant en effet rimer cheveux avec identité. Comme Hélène Jayet, dont l’ensemble de la recherche photographique est tournée vers cette question de l’identité.

texte d’Olivia Marsaud

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

© Helene Jayet / Transit
© Helene Jayet / Transit

ACTUS

  • « Adoptés – L’origine de l’histoire » à l’espace Roguet à Toulouse (31) pour le Conseil Général de Haute-Garonne, du 19 septembre au 29 novembre 2013.
  • « Colored Only » à l’espace Transit à Montpellier (34) , du 04 au 30 octobre 2013.
  • « 12°39’N-08°00W’ – Chroniques Maliennes » à Third Floor Gallery à Cardiff (ENG), exposition collective du Collectif Transit, novembre 2013.