Eternel Franco

La décennie cinquante est une période décisive pour le pays qui allait devenir indépendant dix ans plus tard. L’envie de liberté envahit les cœurs de toute une population qui ne demande qu’une chose ; briser les chaînes de ce qui n’était rien d’autre que la politique d’exploitation de peuple et qui s’affichait par la ségrégation raciale : l’apartheid avant l’heure… Le pays est en pleine ébullition, ça bouge de partout. Des partis politiques, surtout à connotation ethnique, prennent pignon sur rue ; à nous le Lipanda. Lumumba, Kasa-vubu, Bolikango, Tshombe et autres forment l’élite en devenir.

eternel franco © Jean Depara
eternel franco © Jean Depara
Quant aux jeunes, par l’ivresse du « joint » et la force du biceps, marquent leur quartier; la liberté c’est pour eux aussi. De Leo II en passant par Lingwala et Kinshasa, pour finir par Barumbu, des « bills » et des yankies font la loi. N’y met les pieds que celui qui a un laissez-passer délivré par les chefs de gangs.

Pour la petite histoire, ils sont bills par ce qu’apparentés aux cow-boys du Texas et yankies parce que proche de truands que l’on découvre dans le cinéma américain de l’époque.

Les jazzeurs, ancêtres des sapeurs « génération Papa Wemba », envahissent les bars et endroits à la mode de Léopoldville, aujourd’hui Kinshasa.

La musique se modernise, Wendo et les siens décrochent et laissent la place à une nouvelle génération avec à sa tête Grand Kalle jeff et un certain François Luambo alias Franco.

De ces journées chaudes et nuits folles de Léo surgit un homme, acteur et témoin privilégiés, qui décide d’emmagasiner des belles images pour le plaisir de bana léo pour qui, de tout temps, le paraitre vaut plus que l’être. Cet homme c’est le photographe Jean Depara. Autant il est l’ami des bills, il est aussi l’ami de Franco qu’il suivra trente ans durant.

C’est ainsi qu’avec une trentaine des photos de Depara, l’espace [*l’Art de Vivre*] compte organiser, pour le mois de décembre 2011, une expo dénommée « Eternel Franco ».

eternel franco © Jean Depara
eternel franco © Jean Depara

eternel franco © Jean Depara
eternel franco © Jean Depara
Franco et Depara,
Une histoire d’amitié,
Une amitié entre deux hommes,
Deux hommes bourrés de talents,
L’un artiste musicien,
L’autre artiste photographe.
Franco ensorcèle par le son de sa guitare,
Une guitare qui chante et fait danser.
Depara, quant à lui, éblouit les yeux,
Eblouit les yeux par le flash de son appareil photo,
Eblouit aussi par la beauté de ses images.
Tout y passe,
Kin-by-nigth, les filles de joie, les bills,
Et j’en passe.
Puis vint un jour,
Comme dans toutes les histoires d’amitié,
Le destin s’impose et arrive à séparer,
Parfois même à déchirer les cœurs.
Rappelons que leur histoire est celle de deux artistes,
Et, pour un artiste, il faut un jour prendre l’ascenseur,
Briller, devenir une étoile, connaître la consécration,
Ainsi, de deux amis,
Franco avait vu juste,
Quoique à l’époque qu’est un artiste,
Rien du tout,
Et un musicien !
Tout simplement un amuseur public,
Au prix de beaucoup d’efforts et de sacrifices Franco avance,
Sa musique dépasse les frontières,
Elle emmène l’artiste avec elle,
Elle conquit le monde,
La renommée internationale est au rendez-vous.
Quand Franco monte,
L’ami Depara periclite.
La photo n’est pas encore de l’art,
Le photographe tout juste un commerçant,
Commerçant des photos.
Au Congo, tout commerce finit par subir un sort,
Ce sort est la mort,
La mort d’une aventure,
Cette mort qui emportera également.
Mais au-delà,
De cette mort, la reconnaissance,
Une reconnaissance suite à une œuvre grandiose.
N’est-ce pas que l’œuvre rend l’artiste immortel ?
Ici, remercions Depara pour cette œuvre immortelle,
Celle grâce à laquelle Franco restera éternel.
eternel franco © Jean Depara
eternel franco © Jean Depara