© Matar Ndour
© Matar Ndour

Rendez-vous sénégalais avec Matar Ndour !

En écho à la Biennale de Dakar, focus sur un photographe sénégalais, Matar Ndour, et son monde en couleur…

A travers cette interview, ce photographe nous retrace son parcours et les thématiques qu’il explore.

Pour découvrir son travail, rendez-vous dans le Off de Dak’art du 9 mai au 9 juin 2008 !

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ? Comment êtes-vous devenu photographe ?

© Matar Ndour
© Matar Ndour
Je suis devenu photographe par la force de la nature.

Au Sénégal à l’époque, il n’y avait pas d’école de photographie. C’est seulement en 1997 que le groupe SUD communication a ouvert un département qui dispense des cours de photos : L’ISSIC.

Calme et très patient, j’ai d’abord commencé à pratiquer  les arts plastiques : la peinture, la sculpture, et les installations.


Je suis comptable de profession et en 1985, j’ai débuté un travail dans une société. Alors  mes horaires ne me permettaient plus de pratiquer les arts plastiques mis a part durant mes congés annuels où j’arrivais à créer quelques pièces.

C’est en 1987 que j’ai hérité d’un appareil photo avec deux objectifs, un 35-70mm et un 80-200mm, qui appartenait à l’un de mes neveux malheureusement décédé à la suite d’un accident. La photo était sa passion.

J’ai dès lors pris grand soin de ce matériel.  J’ai commencé par prendre en photo les gens de mon entourage, mes collègues de bureau, ma famille et à réaliser beaucoup de natures mortes. Peu à peu, ma passion est née jusqu’à virer à une obsession pour l’image.

Ensuite, j’ai suivi les cérémonies familiales : baptêmes et mariages, car à l’occasion des fêtes les gens étaient parés de leurs plus beaux boubous.

Avec le temps, cela m’a lassé de toujours faire la même chose. J’ai alors quitté ce milieu pour m’intéresser au  monde industriel,  aux sports mécaniques et à la mode.

Cette activité m’a permis de gagner beaucoup d’argent  mais cela ne nourrissait pas ma passion. C’était trop commercial à mon goût.

En 1991, je suis mis au chômage du fait de la fermeture de la société où je travaillais. J’ai alors  décidé de ne faire plus que de la photo : d’être comptable de la lumière.

Je me suis énormément documenté sur la photo. Cartier- Bresson est l’un des photographes qui m’a le plus influencé de par son engagement, la composition de ses images et la sensibilité que dégage ses photos.

© Matar Ndour
© Matar Ndour

Vous travaillez à la fois de façon très personnelle mais aussi comme photojournaliste et comme photographe de plateau, comment alliez-vous ces différentes facettes du métier de photographe ?

J’aime travailler sur diverses thématiques. La photographie est une écriture. Pour moi, une exposition se doit de raconter une histoire.

Je travaille de manière différente, par exemple, je dispose d’un studio mobile  pour travailler mes portraits. A l’inverse pour  la mode, j’estime que  l’environnement est déterminant. Je réalise dons mes photos dans la rue  parce que la mode se passe dans la rue.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le métier souvent méconnu de photographe de plateau ? Comment s’est passée l’expérience sur le film « Madame Brouette » ?

La photographie de plateau est une expérience de plus pour moi, très enrichissante. J’ai réalisé la photo de l’affiche du film et toutes les images qui accompagnent le film.

Cette pratique est juste technique. Il faut surtout rester très discret et avoir un boîtier silencieux.

Il est essentiel de  travailler avec le scripte et le directeur de la  photo du film  pour savoir quel objectif utiliser et avoir le même cadrage que le directeur de photo. Malheureusement avec le numérique, ce métier tend à disparaître alors qu’auparavant aucun film ne se faisait sans photographe de plateau. Il était d’ailleurs  en même temps en charge de mesurer la lumière et de faire les cadrages.

Pour vos travaux personnels , vous avez énormément travaillé sur votre pays, vous retracez le portrait du Sénégal, Rufisque, ou encore la culture sérère ou le train menant de Dakar à Bamako, rien ne vous a échappé. Que souhaitez-vous montrer dans ces photographies ?

Le Sénégal est sur le plan architectural très plastique. Nous avons  un héritage colonial important ; Gorée, St Louis, Rufisque , Dakar qui s’appelaient les quatre communes. Je veux être la mémoire de mon temps et la retranscrire par mes images. C’est pour cela que je m’intéresse à mon environnement, il est important de le présenter à l’étranger.  Par exemple, j’ai exposé mon travail sur  St Louis à Douarnenez en Bretagne dans le festival les « arts dînent à l’huile», « Rufisque »  à Bamako et au brésil ou encore « Gorée »  dans le cadre d’un mois de la photo organisé par le CCF de Dakar.

© Matar Ndour
© Matar Ndour

Vous semblez très attaché à la mémoire du Sénégal, je crois que vous souhaitez réaliser un  grand travail intitulé « le tour du Sénégal en images ». Ce travail vous permettrait de sauvegarder visuellement les traditions, la diversité culturelle au Sénégal…

Comment comptez-vous procéder ? Et êtes-vous pour ce projet par des fondations ou des musées ?


Je suis très attaché aux valeurs noires et africaines. Ces valeurs et cette tradition constituent la base et le fondement de nos sociétés.

Le président SENGHOR disait  » s’enraciner dans nos valeurs les plus profondes avant de s’ouvrir aux autres « . Malheureusement dans ce contexte de mondialisation, ces valeurs s’effritent. Avec l’exode rural, les anciens ont du mal à perpétuer cette tradition.

En tant que photographe, je souhaite faire  un travail ethnographique sur les peuples dits minoritaires, les diolas et les sérères, et à l’issue de ce travail une grosse exposition. Ce projet est en cours,  je ne veux pas rentrer dans les détails mais je vais tout faire pour qu’il aboutisse.

Actuellement,  je n’ai eu que le soutien de la fondation SONATEL qui m’a doté de matériel informatique (ordinateur, imprimante et carte compact flash).

En conclusion, quels sont vos projets actuels et ceux à venir ?

J’ai une exposition dans le cadre du OFF de la biennale de Dakar du 9 mai au 9 juin 2008 à L’Institut Culturel Français Léopold Sedar Senghor. Cette même expo ira au Centre Culturel Blaise Senghor à Dakar où j’animerai  des ateliers photos pour les jeunes photographes fin juin.