En janvier dernier, Les jeunes de ce quartier populaire d’Alger s’étaient révoltés pour protester contre la hausse des prix d’aliments de base (huile, la pomme de terre, sucre).
Les autorités algériennes avaient alors cru au soulèvement de sa jeunesse.
Ce mouvement de colère était, sans précédent, depuis les évènements d’octobre 1988. A l’époque, des émeutes avaient éclaté à Bab el Oued et s’étaient généralisées dans tous le pays.
Bab el Oued, ancien bastion Pieds Noirs d’Alger, continue d’être le « thermomètre social » du pays.
Aujourd’hui, la jeunesse de ce quartier surpeuplé (200 000 habitants) semble résignée.
Elle continue de dénoncer la « malvie » dans un pays qui dispose de 150 milliards de dollars (116 milliards d’euros) de réserves de change.
« On ne vit pas, on survit » résume Rafik, 27 ans, titulaire d’une licence de communication et « chômeur diplômé » précise-t-il. 60% de jeunes du quartier sont dans son cas.
Les différentes manifestations étudiantes de ces derniers mois n’ont pas eu d’écho à Bab el Oued. Personne ne croît à un soulèvement du peuple contre le pouvoir. Les « Années Noires » sont encore dans toutes les têtes.
Ici, les jeunes se débrouillent, au jour le jour, en étant vendeur de portable, taxi clandestin ou agent de parking et s’ennuient en errant dans le quartier.
5 mois après les révoltes du début de l’année 2011, l’immobilisme étatique perdure. La routine a repris le dessus pour les jeunes de Bab el Oued.
Bab el Oued est un quartier populaire d’Alger qui a vu le jour en 1830. Les bâtiments datent de l’époque coloniale. On compte environ 200 000 habitants. 70% d’entre eux à moins de 30 ans. Ce quartier est aujourd’hui surpeuplé. Un appartement de 30m2 est occupé par minimum 6 personnes.
Les immeubles n’ont pas été rénovés depuis années. En 2001, d’importantes inondations ont ravagé le quartier. 10 ans plus tard, plusieurs familles attendent encore d’être relogées. Les toits ont été aménagés par les habitants pour agrandir leur lieu de vie.
Les jeunes garçons de Bab el Oued passent beaucoup de temps à « naviguer » dans les rues. Ici, on appelle ce phénomène « le hitisme ». Cette expression populaire évoque le fait de rester, entre amis du même âge, plusieurs heures contre un mur.
« Normalement, on doit faire des études. On arrête l’école parce qu’il n’y a pas de débouché. Quand tu dis que tu viens de Bab el Oued, on te prend pour un vampire. Du coup, on fait des petits boulots au noir et la police vient saisir la marchandise.
Ici, les appartements de 3 pièces sont occupé par minimum 11 personnes. Tu ne peux pas vivre dans cette pression continuelle. C’est pour ça que les jeunes sont agressifs ».
Nabil, 29 ans, partage sa chambre avec ses 3 frères.
Yassine, 21 ans, travaille dans une des dernières cordonneries du quartier. Il gagne 12000 dinars (120 euros) par mois. Depuis l’implantation de la communauté chinoise à Alger, beaucoup d’ateliers de Bab el Oued ont fermé.
Djaber, 30 ans, est propriétaire d’une salle multimédia, depuis 10 ans. Il grave des dvd et vend des heures de console vidéo. Une partie coûte 80 dinars (moins d’un euro).
Bilal, 24 ans, « parkinger ». De 8 heures à 17heures, il garde la rue et les voitures qui s’y garent. Il gagne 400 dinars par jour (environ 4 euros).
Les jeunes du quartier viennent régulièrement jouer à Pro Evolution Soccer (jeu de foot) chez Djaber. Ils ne disposent pas d’autres lieux pour se réunir. Aucunes maisons de jeunes n’existent. Les cinémas ont été fermés durant la décennie noire.
Camel, 31 ans, travaille depuis l’âge de 15 ans sur le marché noir de Bab el Oued. Il répare des portables et vend du matériel informatique.
Les mères de familles restent à la maison alors que les jeunes filles sortent du quartier pour travailler ou étudier.
Rya et Reda travaillent, tous les deux dans le secteur du gaz en tant que chargé d’étude et attaché commercial. Ils se retrouvent tous les soirs pour jouer aux échecs.
Vue sur le quartier Condorcet. Ce secteur est très animé la journée en raison de sa proximité avec le marché de Bab el Oued. A partir de 20 heures, les rues se vident. Chacun rentre chez soi
Digue de Bab el Oued. Les couples non mariés ont l’habitude de s’y retrouver pour rester à l’abri des regards.
Nabil, 34 ans, vit avec sa mère Mina. Il vend des meringues et des jus de fruits près du marché de Bab el Oued. Ces revenus ne lui permettent pas d’habiter seul. Une location de 30m2 coûte 10 000 dinars par mois (environ 100 euros).
Il est 20 heures, le quartier s’éteint. Rafik, passe ces soirées en bas de chez lui pour faire passer le temps.