Scarifications, un conte

Scarifications est un conte, un court instant de balades dans les sillons ethniques béninois. En noir et blanc, Jean-Michel Clajot nous offre un parchemin vivant, identitaire, témoignage de souffrances, de fierté mais aussi de regrets.

bibliotheque004aiv.jpgLa tradition de la scarification remonte au XVIIIe siècle, ces incisions faciales d’ordre tribal permettaient alors une identification rapide sur les champs de bataille. Aujourd’hui, ces marques indélébiles sont toujours administrées dès la tendre enfance par un scarificateur dont les mains et les outils sont porteurs de coutumes. En témoigne, une série de 4 clichés narrant le rituel sanglant, de l’outillage détaillé aux convulsions d’un gamin tétanisé. La scarification est un acte d’abord et avant tout imposé par des parents à leurs enfants.

Car les pérégrinations épidermiques de Jean-Michel Clajot attestent également d’un choix observé durant l’adolescence ou avant le mariage. Ce n’est plus le visage mais le torse qui se transforme en livre ouvert.

Désormais, ces cérémonies ont tendance à disparaître. La volonté de ne pas attiser les haines claniques, la prise de conscience des dangers d’une telle pratique pour la santé, les regrets exprimés aussi. « Pas de ça pour mes enfants », l’expression grave notamment de cette poissonnière de Boukoumbe.

Ce travail quasi ethnologique réalisé au 120mm permet de saisir l’intensité du moment. Des mains maintenant une tête ensanglantée, les yeux du scarificateur reflétant sans doute sa part de mystère mais aussi sa peur de voir un jour sa profession disparaître. Des portraits intenses, gros plans sur des paragraphes de vie, viennent aérer et équilibrer des bribes d’action qui ne versent toutefois pas dans le sensationnalisme. Aucun écœurement, à lire sans modération.

On regrettera peut-être le peu de photos dans l’exposition, une lacune comblée par le livre sorti conjointement et sobrement intitulé « Scarifications » où plus de clichés y sont présentés. L’espace d’exposition vient également rendre grâce à ce travail par sa luminosité naturelle renforçant ainsi le détail du noir et blanc et la richesse du détail des épidermes mis en valeur. 

« Scarification », photographies de Jean-Michel Clajot. Bruxelles, Galerie Ikono, 47, rue Lesbroussart. Jusqu’au 23 octobre, du jeudi au dimanche, de 14h à 19h. Rens: www.ikono.be

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