Alioune Bâ

Cette interview du photographe Alioune Bâ a eu lieu dans les locaux de l’association Seydou Keïta Dimanche 29 Octobre.

Ce photographe est depuis quelques années l’initiateur de projets auprès des jeunes.

Il a des milliers d’idées et vous pouvez voir actuellement la dernière exposition qu’il a organisée au Musée du District pour sensibiliser les jeunes à la maladie du Sida.

On espère avoir l’occasion de continuer à collaborer avec lui et suivre ses projets car nous avons beaucoup appris à ses cotés.

Architecture sans architecte en terre malienne © Alioune Bâ
Architecture sans architecte en terre malienne © Alioune Bâ
Quel est ton métier ou tes métiers ?

Je suis photographe.

Une partie de mon travail se déroule au Musée National du Mali où je suis responsable de la section photo. Ce travail consiste à faire de la photo documentaire (photographies des pièces de la collection du Musée) depuis plus de 20 ans.

Je fais également de la photo de studio au Musée et je couvre des cérémonies rituelles à travers tout le Mali pour constituer un fond sur ce sujet.

J’ai beaucoup voyagé à travers mon pays.

Autrement j’essaie aussi de m’exprimer par la photo, peut être est-ce une démarche artistique…


Ce travail est complexe dans la société actuelle car l’Afrique que je défends m’ignore. Elle ne comprend pas mon message.

Mais aujourd’hui j’essaie d’échanger et transmettre mes connaissances avec la jeune génération…

On doit être éduqué pour accéder au langage de l’image. Avec l’analphabétisme en Afrique, la photo a toujours été le meilleur langage. Il faut les aider à accéder à cet outil de communication.

Il faut une nouvelle génération qui va pouvoir se servir de l’image.

J’ai été par exemple avec le lycée Liberté (Le lycée Français) à Tombouctou. J’ai organisé des ateliers avec eux et ils y ont pris goût.

Et ces ateliers, les réalises-tu en collaboration avec des ONG ?

Je travaille souvent avec des ONG étrangères et maliennes comme le plan Mali, ONG DED (Service Allemand de Développement) et ONG AED.

Alioune Bâ
Alioune Bâ
As-tu déjà participé à la Biennale de Bamako ?

J’ai dû y exposer 3 ou 4 fois. Cette année j’ai participé à la sélection des candidats, je ne pouvais donc pas y participer. De plus il faut laisser la place aux jeunes.

Qu’a apporté la Biennale au secteur photographique ?

La Biennale m’a soutenu. Sans elle je ne serais pas connu, je serais photographe au musée.

La Biennale a dynamisé le secteur. Regardez maintenant la photographie ambulante permet à des gens de gagner leur vie. La Biennale a anobli le métier de photographe.

Mais j’ai commencé à crier contre la Biennale dès la deuxième édition…

Pourquoi ?

Tout d’abord à cause de l’appellation de photographies africaines.

Tout cela est complexe car la photo africaine n’existe pas !! L’Afrique n’a pas inventé la photo. Nous avons tous les mêmes orientations et mettre une partie du monde dans un récipient et vouloir se l’approprier, cela n’est pas normal.

Cependant il y a des améliorations avec l’arrivée de la diaspora et du pays invité.

Désormais la Biennale a changé de nom « Rencontres Africaine de la Photographie » et cela est tant mieux.

Que penses-tu de la création de la MAP ?

Cette structure a été créée de force, il faut donc vraiment du temps et de l’expérience pour que les choses avancent.

La MAP va tanguer pendant un moment mais elle va apprendre et cela va s’améliorer.

Regardez pour la première fois , la sélection de la Biennale a été réalisée à Bamako…

Il y a désormais un lieu pour tous les photographes d’Afrique.

Vous savez, tout le monde a appris à critiquer, c’est intéressant quand les critiques sont constructives mais quand elles ne font pas avancer les choses cela ne sert à rien.

Les intellectuels ont chamboulé la photo , et les vrais concernés se sont mis de côté, ce sont les intellectuels qui gèrent les photographes.

Heureusement que la photographie prend un nouveau tournant, avec le numérique ou les téléphones portables car cela va permettre de prendre le dessus sur l’intellect.

Il vaut parfois mieux être ignorant que de connaître les réalités d’aujourd’hui.

Tu nous as dit au début de l’interview ne plus vouloir te battre, et pourtant ?

(Rires)

C’est vrai mais je regarde toute l’injustice du Monde et je ne peux m’empêcher de me battre.

Architecture de terre © Alioune Bâ
Architecture de terre © Alioune Bâ

Comment as-tu rencontré Seydou Keïta ?

En 1987, je n’avais qu’une exposition à mon actif, une exposition collective avec des peintres et je n’étais connu que sous le label du Musée à cette époque.

Après avoir exposé au Musée National, Françoise Huguier est revenue avec Bernard Descamps. J’ai réalisé un travail avec lui sur l’orpaillage.

En 1993, les Rencontres de Rouen m’ont invité avec Seydou Keïta pour préfigurer les Rencontres de La Biennale. C’est comme cela que j’ai rencontré Seydou Keïta et qu’il m’a proposé de sauvegarder son patrimoine.

Qui a monté l’association Seydou Keïta ?

Avant sa mort, en 2001, Seydou Keïta a créé cette structure et en était le président. J’en étais le vice-président. J’ai repris le poste de président à sa mort.

Quel est le but de cette association ?

Elle a pour but de sauvegarder le patrimoine de Seydou Keïta et de soutenir les autres photographes. La famille de Seydou est très présente dans l’association et nous gèrons avec Patras les droits pour exposer le patrimoine de Seydou.

L’association Keita est-elle partenaire des Rencontres ?

Lors de la 6ème édition, nous étions partenaires par nos propres financements.

Pour ses 100 ans, la FIFA a sollicité dix photographes. J’étais le seul africain.

Le résultat de ce travail a été tiré sur de grandes bâches et exposé dans les aéroports. Avec Patras, nous les avons récupérées pour l’association afin de les exposer lors de la Biennale. Mais cette dernière n’a pas saisi cette chance. D’abord le dédouanement a été réalisé tardivement et l’accrochage des bâches semblait compliqué. Cela est dommage car il y aurait eu un grand impact sur la jeunesse.

Architecture de terre © Alioune Bâ
Architecture de terre © Alioune Bâ
Mais la photo a un réel impact sur le public local, regarde les photos de studio ?

C’est tout autre chose avec la photo de studio, on attend l’image de soi ou d’un proche mais les gens ne savent pas communiquer avec…

Il y a plein de choses encore à changer.

Travailles-tu en couleur ou en noir et blanc ?

Je travaille en couleur et en noir blanc. Jusqu’à preuve du contraire je faisais surtout du noir et blanc en argentique et du numérique pour l’alimentaire, mais j’y prends de plus en plus goût.

Au Musée je ne suis pas libre de mes choix, je fais donc beaucoup de diapositives.

Le travail que j’ai choisi est d’abord un jeu pour moi et je m’amuse avec.

Avec les enfants, nous avons réalisé un travail en couleur que j’ai tiré ici. Je leur ai donné des appareils gadget mais on a réussi à en tirer quelque chose de sympa.

N’as-tu jamais voulu vivre en Europe ?

Ah non je n’ai jamais voulu rester en Europe car je montre une image de mon continent, je n’ai donc aucune raison d’aller vivre autre part Je préfère montrer l’Afrique en Europe et l’Afrique en Afrique.

L’Europe est aujourd’hui l’eldorado des jeunes générations ?

C’est aux aînés de dire la vérité. Quitter l’Afrique où tout est à faire à refaire…

C’est bête !!

De quelle région du Mali viens-tu ?

Je suis né à Bamako mais mes ancêtres étaient des bergers peuls : Je ne suis plus les animaux mais les images…