Du CFP à la Biennale de Bamako, un futur photographique prometteur

De la psychologie à la photographie, un parcours atypique. Rencontre avec le photographe Harandane Dicko .

On a pu découvrir son travail sur «les moustiquaires de Bamako» lors de la dernière Biennale de la photographie de Bamako.

Issu de la première promotion du CFP , ce jeune photographe, par son discours et sa maturité, n’a pas fini de faire parler de lui !

On espère que sa nouvelle série sur Bamako sera haute en couleurs.

Harandane Dicko
Harandane Dicko
Comment te définis-tu ?

Je ne sais pas comment me définir mais plutôt comme un jeune photographe malien qui a sa propre vision.

Tu as un parcours d’études poussées et variées, pourquoi et comment cela s’est-il déroulé ?

A l’image de pas mal d’étudiants maliens, je ne savais pas comment m’orienter.

J’ai réalisé une maîtrise en psychologie à l’Université de Bamako, la FLASH. Dans ce cadre , j’ai réalisé des mémoires sur la psychologie du travail : « l’étude de la motivation au niveau de l’entreprise, Somapil et L’UMPP ».

Ensuite j’ai passé mon diplôme supérieur à l’Institut National de Formation de Travail Social à Bamako dans le quartier Hippodrome.

Parallèlement, j’ai suivi une formation de deux ans au CFP en photo, j’ai fini en 2004. Depuis je suis assistant.

Toutes ces formations étaient totalement indépendantes les unes des autres. 


En ce moment tu partages ta vie entre ton métier de photographe et celui d’assistant au CFP, comment se passe ce partage? Le fait de collaborer et parfois de former les étudiants plus jeunes que toi, est-ce intéressant?

Fatoumata Diabaté et moi nous avons été désignés comme assistants après notre formation. En tant qu’assistant, je gagne ma vie et je peux ainsi vaquer à ma passion: la photographie.

Ce travail est plus une passion, je n’ai pas de contraintes d’horaires, c’est selon mon programme. Je m’efforce tous les dimanches de me consacrer à mon travail personnel car je ne veux pas me détourner de ma véritable passion.

Je pense que c’est vraiment intéressant. Cette connaissance, je la partage comme d’autres précédemment ont partagé avec moi.

J’aide les élèves au niveau du laboratoire, je les conseille et les oriente.

Quand ils ont des difficultés, ils me demandent et si je ne peux répondre, ils peuvent s’adresser à Youssouf Sogodogo, notre directeur.

Les mousitquaires © Harande Dicko
Les mousitquaires © Harande Dicko
Harandane Dicko, directeur d’un centre digne du CFP, est ce une ambition ?

Non, pas du tout. Le poste de directeur ne m’intéresse pas car c’est un poste très administratif. Je préfère partager mon travail avec les gens, par exemple être intervenant.

Peux-tu nous expliquer comment tu es venu à la photographie ?

Je travaillais avec mon oncle au studio depuis longtemps et cela ne m’intéressait pas. Je trouvais le travail de studio purement alimentaire et je n’avais pas vu ce que je cherchais dans la photo.

En 2001, j’ai suivi la formation courte de deux semaines au CFP par le canal de mon oncle, Baby, le photographe. Après ces deux semaines, j’ai vu que la photo allait au-delà de ce que j’attendais de la photo. Cette première expérience coïncidait avec un échange avec les élèves de Vevey, en 2001.

En parlant de ce centre, peux-tu nous dire les objectifs que tu as atteints et ce que le centre t’a apporté?

Ce centre m’a permis d’être photographe car j’ai pu suivre une bonne formation qui m’a permis d’atteindre mes objectifs mais je continue toujours à apprendre.

Il m’a surtout appris techniquement entre autres: le laboratoire, l’éditing…

En 2005, tu as participé pour la première fois à la Biennale, cela a-t-il été un tremplin pour ta jeune carrière?

Ma participation à la Biennale était comme un rêve accompli.

La Biennale, pour nous photographes africains, c’est comme l’instance suprême, le moyen d’accéder au niveau international.

Je me souviens, quelques mois avant les Rencontres lors du Masterclass, j’ai montré mon travail sur « les moustiquaires » à Simon Njami qui a dit que je faisais du bon travail.

Je lui avais parlé des Rencontres, il m’a dit on verra.

La Biennale m’a apporté énormément car, grâce à elle, j’ai été à Niamey pour les jeux de la Francophonie où je représentais le Mali en photo et en plus, j’ai pu réalisé une résidence de deux mois à Berne alors que la Biennale de Bamako y était présentée.

Ce n’est pas financièrement que la Biennale est un plus, mais c’est une réelle reconnaissance.

Essakane © Harandane Dicko
Essakane © Harandane Dicko
Est-ce facile d’être photographe d’art au Mali ?

Non, ici je ne suis pas considéré comme un vrai photographe car les photographes ici ne pensent que studio. Ils n’ont pas de culture photographique si bien qu’ils ne comprennent pas mon travail.

Et depuis nous savons que tu as fait énormément d’échanges, peux-tu nous en parler…

Chaque échange est tellement important en soit… Les contacts, connaître l’autre, comprendre sa façon de vivre; le fait de voyager en Europe est très important.

Quand tu n’as jamais voyagé, jamais quitté ton continent tu es plus fermé, tu penses que les autres doivent penser comme toi.

J’avais vraiment envie de me rendre en Occident mais je ne pensais pas que c’était l’eldorado. Je trouve la vie trop mécanisée. Ici nous sommes plus libres.

Dicko, où vivras-tu dans le futur ?

J’aimerais vivre au Mali. Si je dois vivre en Occident, je partirais pour le Canada.

Te sers-tu des sciences sociales dans ton travail photographique ?

Non pas forcément, mais c’est difficile de répondre à cette question.

Mon travail sur les moustiquaires a peut-être un aspect social. Mais réaliser des reportages sur la pauvreté, la solidarité, cela ne m’intéresse pas.

Comment te considères-tu dans la photographie ?

Je me considère comme un photographe auteur. Je ne serai jamais dépendant financièrement de mon métier de photographe à aucun moment de ma vie.

Je suis prêt à faire un autre métier pour gagner ma vie.

Si tu devais te référer à un photographe dont le travail t’a marqué…

J’affectionne tout particulièrement Sebastiao Salgado. J’aime ses points de vue, les thèmes qu’il ose aborder et sa façon de les traiter.

Il y a aussi Raymond Depardon dont j’adore les photographies et la monumentalité du travail qu’il réalise.

Au Mali, je penche pour Youssouf Sogodogo et Alioune Bâ.

© Harandane Dicko
© Harandane Dicko
Tu traites d’un nouveau thème actuellement, racontes nous…

Mon nouveau thème cherche l’ordre dans le désordre. J’essaie de prendre du recul par rapport à mon quotidien visuel. Je traite des objets dans la rue à Bamako, qui ont des couleurs éclatantes, des motifs. Je cherche à raconter et à montrer plutôt qu’à questionner.

Tu as toujours travaillé en n&b et tu te tournes aujourd’hui peu à peu vers la couleur, pourquoi ? Le noir et blanc est plus facile, tu n’as que trois tons, tu peux donc maîtriser ta composition.

C’est la première fois que j’utilise la couleur. J’ai trouvé qu’en Afrique, il y a des choses éclatantes, la lumière et ses couleurs. Ce travail veut s’attacher à la couleur et à la texture.

Travailles-tu exclusivement en 24×36 ?

Je n’utilise pas seulement le format 24×36, j’ai réalisé la fin de mon travail sur les moustiquaires à l’aide d’un Mamiya 6×7. Mais j’ai un Leica en 24×36 avec lequel j’adore travailler.

As-tu déjà travaillé en collectif ? Pourquoi ne pas monter un collectif avec d’autres jeunes photographes ?

Je n’ai jamais participé à un projet collectif mais pendant 3 ans j’ai travaillé sur les touaregs avec Fatoumata Diabaté. Pour le collectif on verra par le futur.

Que penses-tu des politiques culturelles autour de la photographie au Mali ?

Je dirais simplement que la photo et la politique ne font pas bon ménage.

Les politiques ne sont pas conscients de ce qu’est la photo.

D’une manière générale, la politique culturelle du Mali est bonne mais elle favorise seulement certains arts.

La création de la MAP, est- -ce important pour les photographes maliens ?

Je pense que le concept est très important pour nous mais il n’y a pas assez d’actions sur le terrain.

Quel est ton rêve en tant que photographe ?

Mon rêve, je le partage avec Fatoumata Diabaté. C’est de monter une sorte de laboratoire ambulant et de faire la traversée du désert malien jusqu’au Niger à travers des hameaux. Puis à la fin faire des expositions et une projection au final. Mais actuellement financièrement ce n’est pas possible.

En savoir plus :

– Site www.cfp-bamako.org