« Je suis un piéton, rien de plus », Métaphores d’hier et d’aujourd’hui par Eric Guglielmi

En 2007, nous rencontrons Éric Guglielmi, cela fait déjà deux ans qu’il a débuté son carnet de route sur les traces d’Arthur Rimbaud d’Alexandrie, Attigny, Le Caire, Calais, Charleroi, Civitavecchia, Deville, Harar, Hargnies, Les Hautes-Rivières, Laifour, Londres, Monthermé, Obock, Ostende, Renwez, Roche, Rome, Tadjoura, jusqu’à Voncq…

Automne 2011, nous découvrons le livre, « Je suis un piéton, rien de plus » qui nous entraine sur différents territoires. Une déambulation, des rencontres, une errance photographique dans les villes où Rimbaud a vécu.

Couverture du livre
Couverture du livre
Éric Guglielmi côtoie l’écrivain depuis son enfance, tous deux viennent de la même région, celle de Charleville-Mézières.

Sur les Ardennes, plane l’âme de Rimbaud. Cela amènera bien des années plus tard, le photographe à partir d’abord pour Paris puis pour un long voyage. Un périple d’allers et retours.

Le livre qu’il nous propose aujourd’hui est un dialogue entre les écrits du poète et ses photos à lui. Une réinterprétation en images d’une vie de voyage.

En 2007, lors de notre rencontre, nous découvrions les images d’Éric dans son atelier. Certaines nous avaient frappés par leurs couleurs, leur force et nous attendions avec impatience la fin de son voyage. Un voyage dans le temps mais aussi très contemporain car le livre comme les photographies ne sont pas nostalgiques, elles pointent une Afrique et une Europe contemporaines.

Le livre, grand format, se compose d’environ 120 pages parsemées de photographies et entrecoupées de phrases extraites d’une lettre d’Arthur Rimbaud.

Édité par les éditions Gang, dirigées par Éric, le livre est un objet qui brille par la qualité d’impression et le choix des matières. On ouvre sa couverture de cuir pour découvrir la beauté des textes du poète et celles des images du photographe.

Les photographies sont là, présentes, seules sans légendes. Il faudra attendre la fin du livre pour arriver à la planche contact qui restitue les lieux photographiés et les dates.

Sur plus de 6 ans de voyages, on reconnaît des ambiances, on devine juste si la photographie a été prise en France ou à l’étranger. On vogue d’ambiances intimes, d’intérieurs en paysages, on y rencontre des animaux, des hommes. On aperçoit les différentes saisons que le photographe a su capter avec son appareil.

L’humain est présent même s’il ne nous regarde quasiment jamais, il semble être juste de passage. Ses traces sont présentes, la mort, la vie, son quotidien…

Les photos sont sensibles, fortes et vous renvoient bien souvent à des tableaux.

Pour illustrer cet article, nous avons voulu revenir sur 3 images en particulier. L’une réalisée à Harar en Éthiopie en 2005, l’autre sur le Lac d’Assal, Tadjoura à Djibouti en 2011.

Harar, Ethiopie, 2005,
Harar, Ethiopie, 2005,

Au milieu du livre, plane cette image, page 67. Nous la découvrions en 2007 et avions été subjugués par sa force et son message.

Éric Guglielmi nous emmène dans un abattoir à Harar en Éthiopie. Un abattoir musulman, il est 5h du matin, on sent le soleil se lever renforcé par la lumière du néon bleu. Le sang est présent, coule, dessine une forme autour du chameau abattu. Les bouchers l’ont tué à coup de serpettes sur les tendons des pattes, avant de l’égorger. La photo est dure, comme le moment que vit le photographe. Le chameau hurle, cela nous rappelle la phrase de Rimbaud reprise dans l’introduction du livre : « Je me crois en enfer, donc j’y suis » tirée de la page 100 de Mauvais sang, une saisons en enfer dans la collection de la Pléiade.

Roche, France, 2006,
Roche, France, 2006,

Page 27, Éric nous amène dans sa région, les Ardennes, c’est l’enfer ici aussi. Un chien tourne en rond, dans la neige les traces du chien laissent penser que cela fait longtemps que la bête fait ses tours, accrochée à une chaine tendue au maximum. Dureté de l’image, de l’absence de liberté, des souffrances, de l’enfermement.
Cette image à côté de la précédente prise à Harar, nous invite à réfléchir notamment aux différences entre les 2 continents… Qu’est ce qui est le plus dur? Le plus cruel ? Le chameau égorgé, la vision du sang, la souffrance immédiate et brutale, ou ce chien qui tourne indéfiniment en rond, en proie à la vanité des jours qui passent, dans un mouvement continu qu’on dirait infini.

Lac Assal, Tadjoura, Djibouti, 2011,
Lac Assal, Tadjoura, Djibouti, 2011,

Page 87, le photographe offre une image plus apaisée, une pause dans le temps, dans ce livre. Nous sommes à Djibouti, sur le Lac Assal. Il fait chaud, plus de 50°. Nous sommes 150 mètres en dessous de la mer.
Des hommes ramassent du sel. C’est aussi l’enfer, un enfer différent du précédent mais tout aussi hostile à l’homme, à l’animal. Pourtant ils habitent là et travaillent tous les jours pour ramasser ces boules de sel… on dirait de la neige, rien ne survit. Ces boules seront ensuite vendues à Monaco, car la principauté en raffole.

Le livre, « Je suis un piéton, rien de plus… » nous rappelle frontalement à notre existence, en laissant toujours ouverts les espaces nécessaires à la réflexion.

Eric Guglielmi dans son errance photographique, nous livre ses découvertes, ses lectures, et la relation qui le lie avec le poète Arthur Rimbaud, et par là aux beautés et aux laideurs de notre monde. Et pourtant plus de 150 ans nous séparent…

A propos de l’auteur

Éric Guglielmi est né à Charleville-Mézières en 1970.

À 12 ans, avec un Praticka MTL 3, il saisit ses premières images.

À l’âge de 17 ans, il fait ses débuts à Paris comme assistant au laboratoire Unipub puis pour le photographe de mode Faycal. En 1991, il travaille pour l’Agence Tempsport tandis que, parallèlement, il apprend à travailler en couleurs.

La photographie va le conduire, en 1993, en Amérique latine. Pendant dix-huit mois, il écumera la Bolivie, l’Argentine, le Chili, le Pérou et une partie de l’Équateur.

Dès son retour à Paris il entre au journal Libération comme tireur noir/blanc. Lassé de la capitale, il part pour l’Afrique. À l’Ouest du continent. Pendant quatre ans, il parcourt le continent et photographie l’actualité pour satisfaire de nombreuses commandes : Libération, Jeune Afrique, Tapama… Lors de son séjour à Bamako, Éric Guglielmi fonde une agence avec des photographes maliens. En 1996, l’Agence Djaw organise la première exposition off des Rencontres de la photographie africaine de Bamako.

En 1997, il rentre en France et rompt avec le photojournalisme. Il se lance dans le traitement numérique de l’image. Suite à quoi il monte un atelier de photogravure spécialisé dans l’édition de livres.

En 2005, il reprend son appareil. Le photographe décide de partir sur les traces d’Arthur Rimbaud. De ces innombrables voyages est issue la série « Je suis un piéton, rien de plus… » (actuellement exposé au Musée Arthur Rimbaud de Charleville-Mézières et à la Galerie Maubert à Paris).

Le retour en Afrique noire le conduit à Touba, ville de religion et de pèlerinage, ville d’islam où tout n’est qu’ordre et beauté, joie et paix. De ce voyage est issue la série Touba (parue aux éditions GANG en 2007). Éric Guglielmi travaille actuellement sur la traite négrière (Notamment dans la série Voyage au cœur d’un Islam nègre, paru aux éditions GANG en 2007).
Comme dans la série Méandres, autour du fleuve Niger (2009/2010), les photographies d’Éric Guglielmi ne relèvent pas du documentaire, leur nuance esthétique s’apprécie de son intention. C’est dans cet apparent paradoxe, entre le traitement décalé du sujet et l’acuité délicate de l’œuvre, que réside la force de son travail.

Il travaille actuellement sur 4 projets, toujours en évolution: Touba, « Je suis un piéton, rien de plus », Méandres (Fleuve Niger) et La Traite négrière (aux origines de la mondialisation).

En 2010, Éric fonde les éditions GANG, une maison d’édition de livres de photographies indépendante. Gang fait paraître cinq livres par an et en a déjà publié huit. Gang veut faire des propositions fortes, tant au niveau de la forme que du contenu, de l’esthétique que de la politique, du texte que de l’image.

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Photographies : Eric Guglielmi

Lettre d’Arthur Rimbaud

Format : 28×32 cm,

128 pages quadri sur papier certifié FSC 150 gr

Couverture cartonnée, relié cuir avec bandeau

Tiré à 1.500 exemplaires

ISBN : 978-2-918376-08-8

Sortie 3 novembre2011