Rencontre avec Simon Njami

Rencontre avec Simon Njami, curateur de l’exposition Un rêve utile, qui, détendu, annonçait la couleur à l’ouverture des expositions de l’été de la photographie en quelques mots : « J’ai découvert que l’Afrique était un peu comme la Belgique, apparemment vous avez aussi quelques problèmes ethniques ! »

Nxumalo Musa Alternative-kidz. Self Portrait, Naledi
Nxumalo Musa Alternative-kidz. Self Portrait, Naledi

Simon avec Un rêve utile, à quel rêve faites-vous allusion ?

Comme pour tout pays, c’est l’émancipation. La pensée, le projet intellectuel qui précède, c’est cela le rêve. On a besoin de rêver pour inventer. Le but ici est de parler de la chose qui amène à cela, à notre auto-détermination.
Cela se fera essentiellement par des moyens artistiques tant les gens qui nous dirigent se sont montrés incapables de mener à bien nos espérances. Vous savez les indépendances ne sont que des dates, des affaires idéalistes. Je préfère parler d’auto-détermination, de souveraineté. Il n’y a pas de réelle indépendance, prenez le cas de la Grèce par exemple. Est-elle indépendante ?

Quelle était votre motivation pour cette exposition ?

Je voulais créer une exposition pas comme les autres. Avec toutes ces célébrations d’indépendance, il n’y a pas de visionnarisme. L’indépendance est une blague, ce qui m’intéresse est de montrer le quotidien des gens.

Y a-t-il une conscience de cette auto-détermination par la culture africaine ?

La culture africaine n’est pas née hier et les prémisses d’organisations culturelles remontent à il y a 20 ans. La conscience du potentiel des artistes africains est bien présente, ce qui manque ce sont les infrastructures et les moyens économiques afin que cette conscience se matérialise réellement. Il n’y a pas d’inconscience. Les inconscients, ce sont nos dirigeants.

La culture africaine, dans sa pratique, est très dynamique, vivante. Cela n’est pas visible à grande échelle mais bien au quotidien. Le regard sur l’art contemporain se fabrique en Afrique et se développe dans certains pays plus que dans d’autres. Il faut se déplacer là où il y a des possibilités d’être exposé, c’est pour cela, par exemple, que les Sud-Africains se déplacent beaucoup moins que les Congolais.

(à gauche) Studio 3z - RD Congo / (à droite) DRUM Magazine, March 1951, courtesy Bailey Seippel Galler
(à gauche) Studio 3z – RD Congo / (à droite) DRUM Magazine, March 1951, courtesy Bailey Seippel Galler

Les hommes d’État ne peuvent-ils pas y arriver ?

La situation actuelle doit être corrigée. En Afrique, nous manquons de structures. Or si on n’a pas de voiture, on n’est pas dans ce monde ! Il faut faire savoir à ceux qui nous dirigent qu’il y a quelque chose qui se crée. Cela doit partir de l’individu.

Regardez ce que fait Wade aujourd’hui : il remet au goût du jour le festival mondial des arts nègres comme l’avait organisé Senghor pour la 1ère fois en 1966. Mais il n’y a aucune prise de conscience autour de cela, c’est plutôt montrer « Moi, j’y suis arrivé avant vous ! » Les cinquantenaires que l’on célèbre cette année sont des occasions manquées à tous les niveaux. Ce qui a manqué à ces États-là, c’est une véritable révolution du peuple par le peuple. Pas des coups montés.

L’investigateur de ce mouvement doit donc être l’individu…

Les centres culturels, les artistes sont beaucoup plus respectueux que leurs dirigeants, ils sont par définition des Panafricains. Il y a d’un côté les États, d’un autre les gens, il y a un véritable hiatus. Cette solidarité, ce panafricanisme n’est pas un rêve utile au niveau des États mais un discours creux.

En complément, vous pourrez écouter une autre interview de Simon Njami recueilli par Abdellah Karroum sur la Radio Appartement 22

Ballroom © Jodi Bieber
Ballroom © Jodi Bieber